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Place de l’auto-prélèvement HPV pour le dépistage des femmes de milieu défavorisé.
Les résultats de l’étude randomisée américaine « My Body My Test-3 »

Lise LECOINTRE
Lise LECOINTRE

 

Introduction
L’étude américaine MBMT-3 (My Body My Test-3) [1] vise à évaluer l’efficacité d’un auto-test de dépistage HPV dans la prévention du cancer du col de l’utérus dans une population de femmes à risque et habituellement sous-dépistée.
L’enjeu est important puisque le programme actuel de dépistage aux États-Unis ne permet de cibler que 15% de la population éligible.
Les tests d’auto-dépistages se sont avérés efficaces dans les différentes études validant son efficacité, mais n’ont été que très peu testés sur les populations les plus à risque de cancer du col, à savoir les femmes issues de milieux socio-économiques défavorisés.

Matériel et méthodes
Cette étude randomisée, contrôlée, a cherché à comparer la stratégie de dépistage classique avec le test d’auto-dépistage réalisé après réception du kit de prélèvement au domicile de la patiente à une procédure contrôle avec une invitation téléphonique au co-testing classique. L'ensemble des examens étant gratuits pour les participantes.
L’objectif principal de l’étude était de retrouver une amélioration d’au moins 15% de détection de cas de cancer du col de l’utérus dans la population cible.
Les patientes du groupe intervention dont le résultat du test HPV concluait à une présence d’HPV à risque oncogène étaient contactées pour bénéficier d’un examen cytologique et selon les résultats d’une colposcopie et de prélèvements anatomopathologiques.
Les patientes du groupe contrôle bénéficiaient de ce même test HPV en consultation, qui s’il était positif, était analysé en cytologie réflexe et selon les résultats du même schéma diagnostique avec colposcopie et biopsies.

Résultats
A travers 21 cliniques américaines, 672 patientes ont été randomisées en 2 :1 au sein de l ‘étude.
L’observance au protocole était beaucoup plus importante dans le groupe intervention : 341/438 patientes (soit 78 %) contre 185/227 (soit 37 % dans le groupe contrôle).
Ainsi, deux patientes porteuses d’une lésion pré-cancéreuse type CIN2 ont pu être identifiées dans le groupe intervention contre aucune dans le groupe contrôle soit un RR=1,93 (1,62-2,31) en intention de traiter.
L’analyse de sensibilité post-hoc, étudiant la première étape du processus diagnostic à  savoir la positivité au test HPV retrouve des résultats concordant sur l’effet de l’intervention avec RR=1,96 (1,64-2,36).

Discussion
Cette étude est innovante car travaillant sur un groupe habituellement oublié des études thérapeutiques et diagnostiques, en ciblant cette population particulièrement à risque de développer un cancer du col. Concluante sur les résultats, la mise en application de ce test permettrait d’améliorer la stratégie américaine de dépistage, d’autant qu’elle va dans le sens des autres études sur l’auto-dépistage HPV réalisées jusque-là sur d’autres populations. Sa place dans l’arsenal diagnostique est donc à considérer.

Néanmoins, quelques réserves sont à émettre. Notamment, les lésions dépistées dans cette étude ne sont que des lésions pré-cancéreuses, qui ne se transforment pas systématiquement en cancer, y compris en l’absence de traitement. Par ailleurs, les tests HPV réalisés en auto-dépistage ne permettent pas si besoin de compléter l’analyse par une cytologie réflexe, le frottis cervical n’étant pas accessible sans examen gynécologique. Ainsi, un prélèvement supplémentaire s’ajoute dans ce processus diagnostique. Les tests HPV réalisés dans cette étude sont également moins performants, ne testant que 4 types d’HPV contre 14 dans le dépistage classique. L'intérêt de la stratégie d'auto-prélèvement semble particulièrement efficace dans le sous-groupe des patientes jamais dépistées avec 63% d’auto-test HPV réalisé contre seulement 20 % dans le groupe contrôle.
Notons par contre que seul 22 patientes sur les 51 du groupe interventionnel avec un test HPV positif ont réalisé les examens complémentaires soit uniquement 44%. Cette réticence constitue une difficulté généralement relevée dans les stratégies de dépistage basées sur l’auto-prélèvement.
En France, cette étude ne saurait s’appliquer alors que le système de soin est organisé avec des invitations et des relances individuelles. La compliance française au dépistage classique est également meilleure avec un taux autour de 58,2% variant selon la tranche d’âge. Encore bien trop éloigné cependant de l’objectif de santé publique fixé à 80 %, qui permettrait de réduire la mortalité de 30 %.
De quoi s’intéresser de près à ce nouvel outil par des études françaises…

 

  1. Pretsch PK, Spees LP, Brewer NT, Hudgens MG, Sanusi B, Rohner E, Miller E, Jackson SL, Barclay L, Carter A, Wheeler SB, Smith JS. Effect of HPV self-collection kits on cervical cancer screening uptake among under-screened women from low-income US backgrounds (MBMT-3): a phase 3, open-label, randomised controlled trial. Lancet Public Health. 2023 Jun;8(6):e411-e421. doi: 10.1016/S2468-2667(23)00076-2. Epub 2023 May 11. PMID: 37182529.

Lien : https://www.thelancet.com/journals/lanpub/article/PIIS2468-2667(23)00076-2/fulltext


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