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Anomalies cytologiques mineures ou tests HPV+ persistants chez la femme ménopausée

Marine Joste, Krystel Nyangoh, Aline Rousselin, Vincent Lavoué, Jean Levêque

Marine JOSTE,
Krystel NYANGOH,
Aline ROUSSELIN,
Vincent LAVOUÉ,
Jean LEVÊQUE

 

Les femmes ménopausées ne bénéficient pas en France d'un dépistage optimal, puisque seulement 40 % d'entre elles sont suivies selon les recommandations des autorités de santé. Pourtant, elles sont susceptibles de présenter des lésions, de haut grade, mais aussi de bas grade qui justifie d'une surveillance : dans une étude ancillaire de la WHI 1, le risque d'évolution vers une CIN de Haut Grade était multiplié par 9 en comparaison des patientes n'ayant pas de lésion dépistée [1]. Les recommandations INCa 2017 sont-elles applicables telles quelles à cette population particulière ? Pour tenter de répondre à la question, il faut s'aider de ce que nous savons sur l'infection HPV, les outils de dépistage et diagnostic chez les femmes post-ménopausées.

 

1. Frottis de Bas Grade (ASC-US et L-SIL) et ménopause : 5 points d'intérêt

1-1 - Histoire naturelle des infections HPV et des lésions cervicales

La sexualité de la deuxième partie de l'existence est aujourd'hui une réalité largement partagée : chez plus de 3,000 sujets américains de 57 à 85 ans, 0.4 % indiquaient avoir plus d'un rapport par jour, et 27.7 % moins d'un rapport par an, mais 18.4 % déclaraient 1 à 2 rapport / semaine, 22 % 2 à 3 / mois et 29.2 % moins d'un rapport par mois [2]. L'infection HPV chez l'homme semble constante tout au long de la vie (entre 25 et 33 % d'incidence mensuelle [3]) tout comme l'infection HPV 16 et 18. Chez la femme, par contre, l'infection HPV décroit progressivement avec l'âge [4], et les infections HPV 16 et 18 marquent aussi le pas [5] : une particularité toutefois, existe une ressaut aux alentours de la cinquantaine [6] qui peut être attribuable à des infections incidentes par ré-infection (13 % des cas liées à un nouveau partenaire) ou par ré-activation (71.9 % des cas chez les femmes ayant déclaré plus de 5 partenaires et 16 % chez les femmes ayant un "ancien" partenaire) [7].

 

1-2 - Infection hr-HPV persistante

L'âge par ailleurs associé a une augmentation des infections hr-HPV persistantes (qui sont donc
considérées à risque d'évolution vers des lésions de haut grade) et du risque de lésions de haut grade chez les patientes les plus âgées et les plus à risque (cytologie de bas grade initiale, et / ou test HC2positif, plus de 5 partenaires) de la cohorte de Guanacaste [8, 9].

 

1-3 - Valeur de la Cytologie Cervicale

 La caractéristique du dépistage cytologique chez les patientes ménopausées est l''importance des faux positifs : dans une étude comparant 387 patientes non ménopausées à 40 patientes ménopausées ayant un des frottis avec exploration colposcopique et biopsique, retrouvait une sensibilité du frottis de 97 % chez les non ménopausées et 87 % chez les ménopausées, des taux de faux positifs de 33.6 % vs 52.5 % avec en conséquence des valeurs prédictives positives inférieures chez les ménopausées d'un frottis positif (38 % vs 62 % chez les non ménopausées [9]. De même dans une série asiatique comparant 164 femmes ménopauses à 203 femmes non ménopausée l'histologie finale était normal chez 71.9 % des femmes non ménopausées et 84.8 % des patientes ménopausées [10]. La carence estrogénique est rendue responsable des artefacts cytologiques avec des aspects d'atrophie, de déssication, et d'inflammation associée qui inquiètent à tort [11].
Une très utile étude tri-centrique effectuée en région Rhône Alpes entre 2004 et 2008 incluant 55,644 patientes âgées de 65 à 100 ans (soient 90,553 frottis) [12] a permis de mettre en exergue le fait que plus le suivi antérieur des femmes était méconnu plus graves étaient les lésions découvertes lors du frottis et que plus le suivi antérieur était normal, moins graves étaient les lésions découvertes. Par ailleurs, chez les patientes bien suivies, les lésions de bas grade survenaient plus précocement et les cancers invasifs plus tardivement.

 

1-4 - Valeur du test HPV

Comme l'on pouvait s'y attendre, le test HPV de dépistage est plus sensible que la cytologie chez les patientes ménopausées. Dans une étude de cohorte portant sur 2,113 patientes ménopausées (âgées de 55 à 76 ans) et suivies durant 2 ans, 6.2 % des patientes avaient un test HPV positif (à 29 % HPV 16) et 22 % d'entre elles ont développé des lésions de CIN HG + : chez ces patientes, seulement 9.7 % avaient une cytologie pathologiques (et alors 67 % de CIN HG  + dans ce sous groupe), tandis que 90.2 % avaient une cytologie normale (avec alors 14 % de patientes porteuses de CIN HG +) [13].
Le devenir des patientes avec un test HPV positif après un ASC-US dans une cohorte de 752 femmes de plus de 45 ans avec un frottis ASC-US / HPV + donne des résultats voisins de ce qui est observé chez les patientes non ménopausées : 64.7 d'entre elles vont normaliser leur cytologie, 30.9 % vont présenter des lésions de bas grade, 3.68 % des lésions de haut grade et 0.74 % des lésions invasives [14].
Les corrélations anomalies cytologiques / test HPV + changent lors de la ménopause :

  • après 50 ans, on observe moins d'anomalies chez les HPV + y compris chez les hr-HPV+ : on évoque le fait que la zone de transformation soit à cet âge moins accessible et ou moins "susceptible",
  • et l'on observe chez ces patientes plus âgées ayant des anomalies cytologiques, plus souvent la présence d'HPV mais moins de hr-HPV : il semblerait que chez les patientes plus âgées existe une plus forte prévalence d'anomalies à HPV bas risque en particulier au niveau vaginal [15].

 

1-5 - Valeur de la Colposcopie

La colposcopie est d'interprétation limitée lors de la ménopause : non pas tant du fait de la carence estrogénique rendant l'utilisation de l'iode plus aléatoire que des phénomènes physiologiques avec une jonction ascensionnée non visible. Il faudra donc être particulièrement vigilant lors de suspicion de lésions endocervicales  glandulaires. L'examen du vagin est tout à fait indiqué lors de la colposcopie chez la femme ménopausée en raison de la fréquence des lésions HPV induites à ce niveau. Des travaux portant chez des patientes ayant des lésions ASC-US [16] et L-SIL [17] mettent en évidence :

  • un fort taux de colposcopie non interprétables chez les sujets ménopausés (respectivement 35 et 42.6 % pour 13.9 et 29.9 % chez les non ménopausées),
  • alors que les taux de lésions de bas et haut grade et cancers invasifs sont comparables dans les 2 populations.

 

2. L'attitude pratique : suivre les recommandations

La conisation est chez la femme ménopausée la "solution de facilité" : sans impact obstétrical à cet âge elle permet d'obtenir une histologie fiable, mais le geste est peu "coût-efficace" du fait de la faible prévalence des lésions de haut grade, ne traite pas la maladie HPV toujours présente et qu'il faut surveiller ce qui est difficile après conisation chez une femme ménopausée.
Les indications de conisation restent : non pas tant les lésions de bas grade persistantes à 24 mois (dans la littérature seules les lésions histologiques et non cytologiques peuvent faire discuter une conisation) que l'apparition d'une lésion de haut grade cytologique avec un col non surveillable ou une histologie discordante (normale ou bas grade) et surtout bien sur la constatation d'une lésion histologique de haut grade.
Alors comment résister à la tentation de la conisation chez une patiente qui se désespère d'avoir des frottis pathologiques de bas grade ou une infection hr HPV persistante ?

  • en précisant que les lésions de bas grade ne sont plus considérées comme des lésions pré-cancéreuses, et que le portage sain d'un hr HPV est d'une grande banalité... mais justifie d'une surveillance rigoureuse qui doit être rassurante,
  • peut-être en utilisant dans les lésions L-SIL le test HPV : c'est clairement une entorse aux recommandations qui pourrait se justifier chez les patientes les plus inquiètes en se basant sur la forte valeur prédictive négative du test virologique, et sur son intérêt comme examen de triage des lésions L-SIL puisque en post ménopause il y a moins de hr HPV dans ces lésions.

 

Références

[1] Yasmeen S, Romano PS, Pettinger M, Johnson SR, Hubbell FA, Lane DS, et al. Incidence of cervical cytological abnormalities with aging in the women's health initiative: a randomized controlled trial. Obstet Gynecol. 2006;108:410-9.
 [2] Stroope S, McFarland MJ, Uecker JE. Marital characteristics and the sexual relationships of U.S. older adults: an analysis of national social life, health, and aging project data. Arch Sex Behav. 2015;44:233-47.
 [3] Castellsague X, Schneider A, Kaufmann AM, Bosch FX. HPV vaccination against cervical cancer in women above 25 years of age: key considerations and current perspectives. Gynecol Oncol. 2009;115:S15-23.
 [4] Munoz N, Mendez F, Posso H, Molano M, van den Brule AJ, Ronderos M, et al. Incidence, duration, and determinants of cervical human papillomavirus infection in a cohort of Colombian women with normal cytological results. J Infect Dis. 2004;190:2077-87.
 [5] Peto J, Gilham C, Deacon J, Taylor C, Evans C, Binns W, et al. Cervical HPV infection and neoplasia in a large population-based prospective study: the Manchester cohort. Br J Cancer. 2004;91:942-53.
 [6] Cuzick J, Clavel C, Petry KU, Meijer CJ, Hoyer H, Ratnam S, et al. Overview of the European and North American studies on HPV testing in primary cervical cancer screening. Int J Cancer. 2006;119:1095-101.
 [7] Gravitt PE. The known unknowns of HPV natural history. J Clin Invest. 2011;121:4593-9.
 [8] Rodriguez AC, Schiffman M, Herrero R, Hildesheim A, Bratti C, Sherman ME, et al. Longitudinal study of human papillomavirus persistence and cervical intraepithelial neoplasia grade 2/3: critical role of duration of infection. J Natl Cancer Inst. 2010;102:315-24.
 [9] Gilani SM, Mazzara PF. Cytohistologic correlation in premenopausal and postmenopausal women. Acta Cytol. 2013;57:575-80.
 [10] Tokmak A, Guzel AI, Ozgu E, Oz M, Akbay S, Erkaya S, et al. Clinical significance of atypical squamous cells of undetermined significance in detecting preinvasive cervical lesions in post- menopausal Turkish women. Asian Pac J Cancer Prev. 2014;15:6639-41.
 [11] Keating JT, Wang HH. Significance of a diagnosis of atypical squamous cells of undetermined significance for Papanicolaou smears in perimenopausal and postmenopausal women. Cancer. 2001;93:100-5.
 [12] Meyer R, Lemay AL, Guy X, Giraud C, Mathevet P, Flori M. [Is there a benefit to continue pap smear screening for cervical cancer after 65 years of age? A retrospective study on 53,644 women]. Bull Cancer. 2012;99:409-15.
 [13] Gyllensten U, Gustavsson I, Lindell M, Wilander E. Primary high-risk HPV screening for cervical cancer in post-menopausal women. Gynecol Oncol. 2012;125:343-5.
 [14] Feng J, Al-Abbadi MA, Bandyopadhyay S, Salimnia H, Husain M. Significance of high-risk human papillomavirus DNA-positive atypical squamous cells of undetermined significance pap smears in perimenopausal and postmenopausal women. Acta Cytol. 2008;52:434-8.
 [15] Rositch AF, Silver MI, Burke A, Viscidi R, Chang K, Duke CM, et al. The correlation between human papillomavirus positivity and abnormal cervical cytology result differs by age among perimenopausal women. J Low Genit Tract Dis. 2013;17:38-47.
 [16] Goksedef BP, Akbayir O, Baran SY, Turan GY, Batmaz GK, Guraslan H, et al. Atypical squamous cells of undetermined significance in postmenopausal women: a comparative retrospective analysis. Eur J Obstet Gynecol Reprod Biol. 2011;159:418-21.
 [17] Akbayir O, Cilesiz Goksedef BP, Numanoglu C, Corbacioglu A, Ulker V, Akyol A, et al. Immediate colposcopic evaluation in postmenopausal women with low-grade squamous intraepithelial lesion cytology. Acta Obstet Gynecol Scand. 2012;91:1109-13.

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