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HPV et pathologie ORL. Que sait-on aujourd’hui ?

Morbize JULIÉRON

Morbize JULIÉRON

 

Alors que l’incidence des localisations carcinomateuses liées à l’alcoolo-tabagisme (larynx, hypopharynx, cavité buccale) dans les pays économiquement développés diminue, celles des localisations oropharyngées liées à l’HPV augmente de façon notable (1 à 3% par an). Le taux de cancers oropharyngés liés à l’HPV atteint 90% dans les pays du nord de l’Europe et l’incidence de ces cancers HPV-induits a récemment dépassé celle des cancers du col aux USA.

Les tumeurs ORL pour lesquels le rôle tumorigène des HPV a été formellement mis en évidence sont :

  • Les papillomatoses laryngées (HPV 6 et 11) qui sont des tumeurs bénignes mais récidivantes, intéressant le plus souvent les enfants et nécessitant des traitements itératifs du fait des risques d’obstruction de la filière respiratoire.
  • Les carcinomes épidermoïdes (CE) de l’oropharynx, et plus précisément les tumeurs à point de départ des amygdales palatines ou linguales (base de langue).

Alors que les mécanismes d’oncogenèse sont différents, les CE de l’amygdale ou de la base de langue HPV-induits ne se distinguent pas sur le plan anatomopathologique des CE liés à l’alcoolo-tabagisme. Les CE HPV-induits doivent donc être caractérisés par un immuno-marquage franc de la protéine p16ink4a associé à une recherche virale par hybridation in situ.

La population à risque pour ces tumeurs est plutôt masculine, a moins de 55 ans et présente moins d’exogénose que la population générale. Le risque augmente, par contre, avec le nombre de partenaires sexuels et les pratiques orogénitales.

La présentation clinique initiale est souvent celle d’une adénopathie cervicale prévalente, typiquement kystique. L’absence d’intoxication peut conduire à des errances diagnostiques, ce d’autant que la tumeur initiale peut être de petite taille, difficile à mettre en évidence (notamment au niveau de la base de langue), voire indétectable (30% des adénopathies carcinomateuses cervicales sans porte d’entrée sont HPV+).

Le traitement de ces patients fait appel à des thérapeutiques lourdes, que ce soit la radiothérapie, la radiochimiothérapie concomitante, la chirurgie parfois mutilante ou l’association radiochirurgicale. Les séquelles thérapeutiques comme l’hyposialie (certes minimisée par les techniques de modulation d’intensité de la radiothérapie), la raideur de l’épaule ou les problèmes dentaires altèrent considérablement la qualité de vie de ces patients.
Par contre, le pronostic des tumeurs de l’oropharynx HPV-induites, avec une survie globale à 5 ans de 80%, est bien meilleur que celui des patients HPV-négatifs. Des études de désescalade thérapeutiques sont donc actuellement en cours pour essayer de diminuer ces séquelles.

En termes de dépistage, il n’existe pas de technique permettant (comme pour le cancer du col) un dépistage par frottis. Les bains de bouche à la recherche d’HPV n’ont pas d’intérêt pratique.

Seule la vaccination pourrait permettre de diminuer l’incidence mais ses effets ne seront apparents que dans une trentaine d’année. Actuellement, dans les pays à forte protection vaccinale comme l’Australie on commence à voir une diminution des condylomes et des dysplasies de haut grade du col mais l’incidence des autres localisations continue logiquement d’augmenter. En France, où la protection vaccinale est scandaleusement basse, nous allons continuer, encore de nombreuses années, à traiter des cancers de l’oropharynx HPV induits, qui, certes, ont un bon pronostic mais dont les séquelles chez ces patients jeunes, le plus souvent toujours en activité professionnelle, vont notablement altérer la qualité de vie.

L’ensemble de la communauté médicale doit trouver les moyens de convaincre nos dirigeants de promouvoir la vaccination et de l’étendre aux garçons.

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