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Exérèse incomplète des lésions dysplasiques et récidive

Geoffroy CANLORBE, Catherine UZAN, Jean-Luc MERGUI

Catherine UZAN,
Geoffroy CANLORBE,
Jean-Luc MERGUI

 

 

L’exérèse incomplète des lésions dysplasiques du col de l’utérus comme prédicteur de l’échec de traitement : revue de la littérature et méta-analyse


Lecture critique de l'article : Marc Arbyn, Charles W E Redman, Freija Verdoodt, Maria Kyrgiou, Menelaos Tzafetas, Sadaf Ghaem-Maghami, Karl-Ulrich Petry, Simon Leeson, Christine Bergeron, Pekka Nieminen, Jean Gondry, Olaf Reich, Esther L Moss. Incomplete excision of cervical precancer as a predictor of treatment failure: a systematic review and meta-analysis. Lancet Oncol. 2017. Vol 18.


Les auteurs proposent une revue systématique de la littérature, de janvier 1975 à février 2016, sur les facteurs associés à l’échec de traitement par exérèse d’une lésion cervicale de haut grade histologique (CIN2 ou CIN3). L’échec de traitement étant défini par la persistance de la lésion de haut grade après exérèse, ou bien sa récidive dans les 18 mois suivants l’exérèse. Les critères d’inclusion des études étaient de comporter : une confirmation histologique des lésions de haut grade sur la pièce d’exérèse, des données disponibles sur le caractère in sano ou non des berges de résection, un test HPV réalisé dans les 3 à 9 mois après exérèse, un suivi minimum de 18 mois après exérèse.

Un total de 97 études, portant sur 44446 patientes, a été retenu pour la méta-analyse.
Des marges non in-sano ont été retrouvées dans 23,1% des cas (95% CI 20,4–25,9), avec un taux variant selon la technique d’exérèse : 17,8% [12,9–23,2] après conisation laser, 20,2% (14,3–26,7) après conisation au bistouri froid et 25,9% [22,3–29,6] après electroconisation à l’anse.

L’échec de traitement a été retrouvé dans 6,6% des cas (95% CI 4,9–8,4). Ce taux variait selon la technique utilisée : de 2% après conisation laser ou au bistouri froid à presque 7% après électroconisation;

Le taux d’échec de traitement était augmenté en cas de berges non in-sano sur la pièce d’exérèse avec un risque relatif de 4,8 (95% CI 3,2–7,2) en cas de berges envahies. Le taux d’échec était de 7,2% (95% CI 0,0–23,6) en cas d’envahissement seul des berges exocervicales, et était doublé en cas d’envahissement des berges endocervicales (16,3%, 5,9–29,9) ou à la fois des berges endo- et exocervicales (18,9%, 0,0–62,9).

La sensibilité et la spécificité pour prédire l’échec de traitement était de 55,8% (95% CI 45,8–65,5) et 84,4% (95% CI 79,5–88,4), respectivement, pour le statut des berges, et de 91,0% (82,3–95,5) et 83,8% (77,7–88,7), respectivement, pour le résultat du test HPV. Un test HPV haut risque négatif dans les 3-9 mois après l’exérèse et des berges in sano étaient associés à un risque d’échec de traitement de 0,8% et 3,7%, respectivement.

Discussion

D’après les recommandations de l’INCa de 2016 [1], une lésion cervicale de haut grade histologique avec colposcopie satisfaisante doit être traitée par une résection de type anse diathermique sous guidage colposcopique. Cette méta-analyse vient insister sur la nécessité d’exérèse in-sano des lésions histologiques de haut grade par des colposcopistes expérimentés [2-3]. A noter que l’on retrouve, dans cette étude, un taux élevé (23%) de berges non in sano sur la pièce d’exérèse, ce qui est au-delà du taux de 20% recommandé par les règles de bonne pratique en colposcopie [4]. On peut regretter que les auteurs n’aient pu intégrer dans leurs calculs l’apport de l’exérèse sous contrôle colposcopique direct, dont on sait qu’elle permet de limiter la taille des exérèses tout en augmentant le taux de berges saines (OR = 2,80; 95% CI = 1,13 à 6,90)[5] [6]. Il n’a malheureusement pas été fait de lien non plus entre la qualité des berges et la profondeur de résection, dont on sait qu’elle est directement corrélée avec les risques obstétricaux avec un seuil de 10mm [7] [8]. Il est important de préciser qu’en cas de berges non in-sano, une deuxième exérèse ne doit pas être proposée à titre systématique, car elle est associée à une augmentation du taux de complications obstétricales [1] [8].
Les modalités officielles de surveillance post-thérapeutique des lésions de CIN n’ont pas été mises à jour depuis les recommandations de l’ANAES de 2002 [9]. Il y était précisé qu’une surveillance régulière associant frottis et colposcopie +/- pouvait être proposée avec un premier contrôle entre 3 et 6 mois, puis en cas de normalité une répétition dans un délai de 6 mois à 1 an, avant d’envisager une surveillance cytologique annuelle. Des recommandations avaient néanmoins été publiées en 2007 par le CNGOF et la SFCPCV, introduisant la possibilité d’un test HPV dans les 3-6 mois après l’exérèse d’une lésion de haut grade histologique. En cas de négativité, il pouvait être proposé une surveillance cytologique à 18 mois [10]. Les données de la méta-analyse de Arbyn et coll confirme donc la place du test HPV comme outil de surveillance puisque sa négativité dans les 3-9 mois après l’exérèse est associée à un taux de récidive dans les 18 mois de moins de 1%. Ces données ont été depuis confirmées par d’autres études plus récentes [11] [12] suggérant qu’un test HPV négatif en post-thérapeutique pourrait permettre d’espacer la surveillance de ces patientes. Ces données seront très probablement reprises dans les prochaines recommandations de l’INCa sur les modalités de surveillance des patientes présentant un antécédent de lésion cervicale de haut grade histologique.

 

[1] Conduite à tenir devant une femme ayant une cytologie cer- vico-utérine anormale, Thesaurus,
Collection recommandations et référentiels, INCa, décembre 2016.
[2] Ghaem-Maghami S, De-Silva D, Tipples M, et al. Determinants of success in treating cervical intraepithelial neoplasia. BJOG 2011; 118: 679–84.
[3] Ulrich D, Tamussino K, Petru E, Haas J, Reich O. Conization of the uterine cervix: does the level of gynecologist’s training predict margin status
[4] Moss EL, Arbyn M, Dollery E, et al. European Federation of Colposcopy Quality Standards Delphi Consultation. Eur J Obstet Gynecol Reprod Biol 2013; 170: 255–58.
[5] Carcopino X, Mancini J, Charpin C, Grisot C, Maycock JA, Houvenaeghel G, Agostini A, Boubli L, Prendiville W. Direct colposcopic vision used with the LLETZ procedure for optimal treatment of CIN: results of joint cohort studies. Arch Gynecol Obstet. 2013 Nov;288(5):1087-94
[6] Preaubert L, Gondry J, Mancini J, Chevreau J, Lamblin G, Atallah A, Lavoue V, Caradec C, Baldauf JJ, Bryand A, Henno S, Villeret J, Agostini A, Douvier S, Jarniat A, Riethmuller D, Mendel A, Brun JL, Rakotomahenina H, Carcopino X. Benefits of Direct Colposcopic Vision for Optimal LLETZ Procedure: A Prospective Multicenter Study. J Low Genit Tract Dis. 2016 Jan;20(1):15-21
[7] Noehr B, Jensen A, Frederiksen K, Tabor A, Kjaer SK. Depth of cervical cone removed by loop electrosurgical excision procedure and subsequent risk of spontaneous preterm delivery. Obstet Gynecol. 2009 Dec;114(6):1232-8
[8] Kyrgiou M, Athanasiou A, Kalliala IEJ, Paraskevaidi M, Mitra A, Martin-Hirsch PP, Arbyn M, Bennett P, Paraskevaidis E. Obstetric outcomes after conservative treatment for cervical intraepithelial lesions and early invasive disease. Cochrane Database Syst Rev. 2017 Nov 2;11
[9] Conduite à tenir devant une patiente ayant un frottis cervico-utérin anormal - Actualisation 2002 Recommandations
[10] Recommandations pour la pratique Clinique - Prévention du cancer du col de l’utérus – CNGOF SFCPCV - Décembre 2017 http://www.societe-colposcopie.com/sites/default/files/rpc_prev-k-col2007_cngof-2.pdf
[11] Ceballos KM, Lee M, Cook DA, Smith LW, Gondara L, Krajden M, van Niekerk DJ, Coldman AJ. Post-Loop Electrosurgical Excision Procedure High-Risk Human Papillomavirus Testing as a Test of Cure: The British Columbia Experience. J Low  Genit Tract Dis. 2017 Oct;21(4):284-288
[12] Garutti P, Borghi C, Bedoni C, Bonaccorsi G, Greco P, Tognon M, Martini F. HPV-based strategy in follow-up of patients treated for high-grade cervical intra-epithelial neoplasia: 5-year results in a public health surveillance setting. Eur J Obstet Gynecol Reprod Biol. 2017 Mar;210:236-241.

 

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